Résumé : Histoire de la Chine – les racines du présent, Danielle Elisseeff, ed du Rocher, 1997

15 mars, 2013 | Commentaires fermés sur Résumé : Histoire de la Chine – les racines du présent, Danielle Elisseeff, ed du Rocher, 1997

L’approche académique de la culture stratégique chinoise met souvent en avant la permanence de la figure du pouvoir. Il doit maintenir la symbiose entre l’homme et la nature. Ces deux composantes sont en synergie, elles forment un système et s’amplifient mutuellement. Ainsi, la pollution n’est pas un mal, c’est une transformation. La nature et la société chinoise sont le miroir l’un de l’autre.

Pour le novice, le développement de la Chine s’accompagne d’une « brutalité » frappante envers l’environnement comme l’illustre le cas du barrage des trois gorges et l’industrialisation qui accompagne les gigantesques aménagements marquant la métamorphose récente du pays.

Mais, il faut prendre conscience que cette figure homme/nature de la politique chinoise est un handicap pour la Chine car elle rend aveugle face à la notion de pression sur l’environnement. Si le « feu intense » était exploité au Shandong dès le 3ème millénaire av. JC pour la métallurgie, il était à l’origine d’une destruction très forte de la couverture végétale qui n’a pas permis les développements du fer qu’a connu la Grande Bretagne à l’aube de la révolution industrielle.

C’est donc la vulnérabilité majeure de la légitimité des dirigeants chinois. Ceux-ci doivent assurer la synchronisation entre les ordres naturel et social permettant au peuple de prospérer. Si l’environnement, végétal, animal devient source de catastrophes, le peuple devient légitime pour établir un nouveau régime qui débutera un nouveau cycle.

 Avec l’arrivée d’une nouvelle équipe dirigeante et l’actualité des pollutions effrayantes des grandes villes chinoises, nous pouvons nous interroger sur la possibilité d’une remise en cause du régime actuel par la population. Ce type d’interrogation doit intégrer l’histoire moderne de la Chine afin d’évaluer la probabilité d’un tel changement. Je vous propose de la parcourir en résumant l’ouvrage : Histoire de la Chine : les racines du présent, de Danielle ELISSEEFF à partir de la rencontre avec les empires au XIXème siècle.

Si cette articulation homme/nature est une permanence de l’histoire de la Chine comme l’illustre le résumé de la quatrième de couverture de l’ouvrage, nous allons faire commencer le notre au moment de la rencontre de l’Empire chinois avec la puissance émergente britannique du XIXème siècle. Jusqu’alors, l’accès privilégié à la Chine était la voie terrestre que n’importe quel conflit local peut couper. Mais, la révolution industrielle avait modifié les voies d’accès à l’Empire chinois. C’est le fait marquant de l’histoire des relations internationales en Asie, cette rencontre et plus largement l’insertion de la Chine dans le système international imaginé par les européens.

Dans sa quête de nouveaux marchés, l’East India Company avait entreprit de vendre massivement de l’opium qui était déjà utilisé en Chine en petite quantité à des fins médicinales depuis longtemps. Cependant, c’était la survie financière de cette entreprise qui était en jeu, elle avait déjà été au centre de la conquête de l’Inde, elle devenait le catalyseur de l’expansion britannique en Asie de l’Est.

L’empereur Daoguang, en 1838 nomma un haut fonctionnaire, Liu Zexu pour mettre fin au commerce de l’opium. Il demanda à tous les marchands, les transporteurs de lui remettre les caisses d’opium (20 283). Ils détruisit les 2000 tonnes ainsi saisies. La réaction de la Compagnie des Indes et de la couronne Britannique fut violente : la première Guerre de l’Opium. La victoire déboucha sur le traité de Nankin en 1842 qui ouvrait les ports et la concession de Hong Kong aux intérêts anglais. En 1844, les français et les américains utilisant les même moyens diplomatico-militaires obtenaient des concessions similaires avec le traité de Whampoa. C’est le début de la « globalisation » et une période qualifiée d’humiliation ou des traités inégaux.

La réaction populaire se traduisit par un sentiment contre l’élite mandchoue. Au décès de l’Empereur en 1850, les paysans du Guangxi se soulevèrent sous le leadership de Hong Xiuquan pour établir le royaume céleste de la Grande Paix, la révolte Taiping. Les dysfonctionnements des écosystèmes chinois n’étaient pa au centre de l’effondrement du régime politique. En 1853, Xiuquan prit Nankin qui devint sa capitale. Les forces gouvernementales mirent 14 ans pour rétablir l’autorité impériale et les forces étrangères, françaises et britanniques ont dû intervenir de manière décisive pour cette reconquête. C’était les deux signes de la fin du mandat céleste, l’incapacité de la Chine impériale à s’adapter à la nouveauté des règles du système international et la faillite intérieure du régime. C’est la souveraineté et l’indépendance qui était simplement l’enjeu de l’insertion de la Chine dans le nouveau système internationale.

L’accumulation de défaite dans les guerres, sino-russe (1880), franco-chinoise (1884), sino-japonaise (1895), ne font que confirmer l’effondrement, l’incapacité de la Chine impériale à suivre les règles réalistes de la société internationales, portées par les Européens.

L’acteur principal de l’effondrement du régime fut l’impératrice douairière Cixi de 1875 à 1908. Elle bloqua les réformes de son neveu Guangxu. En 1898, le chef des réformateurs voulait s’appuyer sur un esprit national chinois pour intégrer les armes et la technologie européenne afin de retrouver l’autorité politique. Il s’agissait de partir du constat de la réussite japonaise qui lui avait permit de battre la Chine en 1895. Mais, il fut déclaré inapte et empoisonné pour ne pas survivre à l’Impératrice.

Rn 1900, les Poings de la suprême harmonie, les Boxers, encouragé par l’impératrice, assiègent les légations étrangères. Les armées européennes ont rétablit le rapport de force et châtiés ces précurseurs nationalistes

 55jours

Le film des 55 jours de Pékin traduit la version ethnocentrée de cet évènement, il permet de prendre la mesure du « racisme anti chinois » encore d’actualité en 1963 à Hollywood ! A la fin du film, l’intervention des puissances européennes rétablit le droit international et contraint la Chine impériale à disparaître face à l’avancée inexorable de la modernité…

 Après, en octobre 1911 des garnisons se soulevèrent et le mouvement nationaliste déclara la République en janvier 1912, Sun Yat Sen fut nommé le 1er président de la Chine moderne.

Mais, l’Etat de cette République est trop faible, les chefs des régions militaires ont été investit de l’autorité civil défaillante. Tous ces chefs étaient des cibles et de relais potentiels des politiques étrangères des occidentaux et des japonais présents sur le territoire chinois. Ces nouveaux chefs de guerre régionaux tombèrent sous la dépendance des influences étrangères, occidentales et japonaises. Ils se révélèrent incapables de porter le nationalisme chinois naissant.

Face à ces acteurs, l’URSS représentait la possibilité d’une rupture, d’une opposition forte aux occidentaux. C’était à la fois l’exemple et le recours. En 1921 création du PCC par Mao, puis en 1923 le début de l’aide soviétique, le départ de Tchang Kai Chek en formation militaire à Moscou, l’émergence du Guomindang en 1924, suivi du décès de Sun Yat Sen en 1925, étaient les ingrédients de l’émergence du Leviathan chinois au XXème siècle. Le rapport à l’environnement n’était pas déterminant dans cet état de nature politique !

Tchang Kai Chek et le Guomindang étaient les outils politiques de la modernisation de la bourgeoisie chinoise qui va permettre à la Chine de reprendre son rang dans la société internationale. Cependant, le PCC se révèle être un obstacle insurmontable. Il sera le représentant de la Chine du régime de Nankin de 1927 à 1937. Cependant, le PCC se révèla être un obstacle insurmontable avec une dynamique beaucoup plus puissante.

Cette période pris fin avec l’extension progressive et irrémédiable de l’impérialisme japonais. Il avait débuté avec l’incident de Mandchourie (1932), son occupation, puis la prise de Pékin, puis Shanghai et Nankin (1937). La seconde Guerre Mondiale commença très tôt en Asie, elle atteignit d’ailleurs un niveau de violence inconnue en Europe avec deux explosions atomiques en 1945 !

Face au Japon, le gouvernement nationaliste se réfugia en Chine intérieure à Chongqing, mais l’économie est dépendante des régions côtières. Dès lors, il fut vulnérable aux contingences de la scène internationale et aux enjeux des politiques étrangères au niveau global.

Cette impuissance permit à Staline de clarifier les rapports de force et à Mao de mettre à l’épreuve sa stratégie de conquête de la souveraineté moderne de la Chine depuis le Hunan.

Ces deux protagonistes devaient s’allier face au Japon. Une véritable alliance, temporaire, uniquement centrée sur la perception d’une menace commune. Après la défaite de 1945, l’Armée Populaire de Libération descendit de Yanan et ramassa toute la Chine côtière jusqu’à la place Tienanmen à Pékin où Mao proclama la fondation de la RPC en octobre 1949.

mao

L’enjeu de la Chine moderne était toujours cette souveraineté allait devoir s’affirmer sur une scène internationale structurée par la rivalité américano-soviétique et dans un contexte régionale toujours plus proche de l’état de nature hobbésien que du doux commerce de Montesquieu.

Avant même de construire le pays c’est la guerre de Corée de 1950-1953 et l’Indochine en 1954, la rupture sino soviétique en 1960 et l’affrontement sur la frontière avec le Vietnam en 1979 après l’aide contre la présence américaine qui conditionnaient les décisions  politiques de la Chine maoiste.

A l’intérieure ce sera l’occupation de tous le territoire avec le Tibet (1951) suivi par le premier plan quinquennal en 1953. L’ère maoïste est une volonté permanente d’éprouver la modernité et de trouver le chemin du développement de la Chine. Les Cents fleurs qui ouvrirent une période, 1949-1979, de trois décennies de remplissage des camps de travail par 20 millions d’opposants. Le Grand Bond en Avant de 1958 à 1962 du second plan quinquennal, qui se solda par 20 millions de morts de faim. Finalement, la Révolution Culturelle permit à Mao, grâce à l’idéalisme de la jeunesse, de reprendre le pouvoir jusqu’à sa mort. Le bilan du maoïsme est encore à écrire pour les historiens chinois. Le mérite de ces épreuves est sans doute d’avoir convaincu les dirigeants et le peuple de la pertinence du développement économique à l’occidental. Celui-ci est porté par Deng Xiaoping dont le but est de mettre la Chine sur la voie pragmatique et réaliste de la quête de puissance. Cela commence en 1975 avec Zhou Enlai qui annonce les 4 modernisations de Deng qui devint le père de la puissance chinoise moderne. Elle se résume à l’accumulation de richesses et la mise sous tutelle de la liberté individuelle des chinois pour assurer la survie tant intérieure qu’extérieure du PCC. Aujourd’hui, la Chine, seconde puissance économique de la planète, absorbe et investit le post modernisme comme le fit l’Amérique au XIXème siècle avec le libéralisme britannique. A n’en pas douté, elle produira elle aussi de nouvelles normes pour structurer les développements futurs de la société internationale. Les enjeux environnementaux sont désormais au centre de son régime politique, ils sont un réel miroir de la politique chinoise à venir.