Résumé : J.Nye & R. Keohanne sur le pouvoir et le cyber espace

12 janvier, 2015 | Commentaires fermés sur Résumé : J.Nye & R. Keohanne sur le pouvoir et le cyber espace

En 1998, Joseph Nye et Robert Keohane publiaient un article dans Foreign Affairs qui décrivait l’émergence du « soft power », le pouvoir sur l’opinion, dans le cyber espace.

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L’obstacle de la distance a été vaincu par la baisse des coûts de communication et de transport. En 2012, la moitié de la production industrielle est réalisée par des entreprises multinationales. La globalisation est un phénomène avec de multiples dimensions depuis ses débuts avec la Révolution Industrielle. La 1ère dimension est celle de l’environnement illustrée par la diffusion de nouvelles plantes, patates, maïs, tomates. La seconde dimension est celle du climat. Ensuite vient la dimension de la démographie très importante. La terre est peuplée de 6 milliards d’habitants, l’environnement et les ressources naturelles sont sous pression et le climat est fortement déstabilisé par l’émission anthropique de gaz à effet de serre. La dernière dimension est celle de l’emploi de la force à une échelle de plus en plus globale avec la première et la seconde Guerre Mondiale, la Guerre Froide et le terrorisme transnational. La globalisation sociale et culturelle est la dernière dimension avec la diffusion du constitutionnalisme des règles et des organisations internationales.

Mais, la dimension la plus nouvelle par rapport à l’Impérialisme du XIXème siècle, c’est la révolution numérique. Elle a introduit une nouvelle propriété dans les autres dimensions, la vitesse et l’accélération des phénomènes. Son moteur est donné par la loi des réseaux, un produit numérique obtient une valeur lorsque des utilisateurs se connectent à lui, un téléphone n’a de valeur que si toutes les personnes sont connectées sur un même réseau de communication. Ainsi, la révolution numérique tend vers un unique réseau de communication.

La résilience des Etats

Les promoteurs de la globalisation affirment que la révolution numérique met fin aux organisations hiérarchiques et conduit à un nouveau féodalisme ou des communautés et des loyautés multiples se recouvrent. En effet, la baisse du coût d’accès au réseau de communication global permet à tous les acteurs sociaux, surtout les acteurs non étatiques de disposer de capacités stratégiques de toucher l’opinion publique internationale.

Cependant, l’Etat reste l’ancrage principal qui détermine la loyauté d’une vaste majorité des gens et son contrôle sur les ressources matérielles, qui représentent 30% à 50% des PNB et conditionnent les évolutions futures, est une réalité incontournable.

Ces promoteurs de l’idéalisme libéral, qu’ils soient de la période des années 1920, 1970 ou 1990, indiquent une direction du développement à long terme. Mais, ils n’arrivent pas à comprendre comment les groupes dominants utilisent les schémas d’interdépendances transnationaux à leur avantage à moyen terme. Car le monde de la globalisation est conditionné par le monde traditionnel dans lequel la puissance dépend de la géographie des ressources naturelles et des institutions politiques.

La globalisation n’est pas universelle, de grande proportion de la population mondiale ne sont pas concernées et des règles sont nécessaires. Elle nécessite des institutions politiques qui représentent et incarnent l’autorité. Ainsi, même pour des univers comme le cyber espace, la question classique de politique « qui gouverne, selon quelles règles » est toujours la plus pertinente

 Les premiers pas de la révolution numérique

L’interdépendance au sein de la société internationale n’est pas neuve. Elle a été amplifié par la très importante baisse des coûts de communication sur de grandes distances. La puissance de calcul des ordinateurs double tous les 18 mois depuis 3 décennies, le coût de calcul en 1998 représente 1% de celui des années 1970. Le trafic Internet double tout les 100 jours. En 1980, une communication téléphonique à travers des fils de cuivre permettait un débit d’une page par seconde, avec des fibres optiques c’est 90 000 livres par seconde.

La baisse de coûts de communication à ouvert l’accès à des organisations décentralisées particulièrement efficaces face à des organisations hiérarchisées pour favoriser leur agenda. C’est le changement important induit par l’accroissement exponentiel de l’intensité des interdépendances

Cependant, la révolution numérique n’a pas modifier les 2 autres paramètres, les moyens diplomatico militaires sont les plus efficaces en matière de coercition et la sécurité reste l’enjeu primordial de la société internationale sur les autres valeurs politiques.

L’information est moins chère et plus nombreuse, mais elle circule dans un espace déjà occupé par des institutions politiques. Depuis plus de 4 siècle (Traité de Westphalie, 1648) l’Etat a établit ses structures de pouvoir qui reposent sur l’information. Il est donc le principal producteur/consommateur d’information.

 Plus précisément, une distinction doit être établit sur les types d’information.

  • L’information libre : c’est l’information produite et diffusée par des acteurs sans compensation financière, le gain pour l’émetteur provient de la croyance du destinataire en la validité de l’information ce qui est sa motivation. C’est la communication politique ou propagande qui a explosé avec la diffusion d’Internet.
  • L’information commerciale : c’est de l’information échangée contre rémunération, c’est le fondement de l’industrie logicielle
  • L’information stratégique : qui confère un avantage (dissymétrie) à un acteur qui la possède sur un adversaire qui en est dépourvue. C’est l’espionnage et la guerre de l’information

La révolution numérique modifie les flots d’information en augmentant les volumes et le nombre de canaux de communication. Surtout pour l’information gratuite qui va circuler plus vite, plus librement. L’information stratégique continue de faire l’objet d’une traque incessante, c’est le renseignement et l’interception qui existe depuis 1942, l’information commerciale dépend du respect du droit de la propriété intellectuelle.

 Comment la puissance va-t-elle être affectée par ces flux d’information ?

 Rappelons ce qu’est le pouvoir. Il y a le pouvoir sur le comportement et les ressources utilisées par le pouvoir. La capacité de faire plier la volonté d’un autre acteur peut provenir des moyens coercitifs diplomatico militaires (hard power) ou de la conviction par l’exemple et la raison (soft power). Il fonctionne par la conviction d’adhérer à des normes et des institutions universelles qui produisent le comportement attendu. Le soft power se traduit par la capacité à fixer l’agenda des organisations internationales. Il dépend donc des flots d’information libre qu’un acteur peut diffuser qui conditionnent les préférences d’autres acteurs et les rend compatibles avec ses propres intérêts.

La diffusion de la culture populaire américaine a aussi diffusé ses valeurs libérales et le partage de leur supériorité. Ainsi, les technologies de l’information sont les ressources de la puissance, « soft », primordiale aujourd’hui. Elle devient même un facteur de la puissance qui peut être retourné contre la raison d’Etat.

Snowden

Pour aller plus loin, l’entretien du Pr. Joseph S. Nye avec Harry Kreisler de l’UC Berkeley concernant sont dernier ouvrage « Power » au centre duquel se trouve la révolution numérique

http://conversations.berkeley.edu/content/joseph-s-nye-jr

Le site web de UC TV

http://www.uctv.tv/shows/The-Future-of-Power-with-Joseph-Nye-Conversations-with-History-21396

et la version You Tube