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Synthèse : la démocratie libérale et le rôle de la société civile
21 juillet, 2015 | Commentaires fermés sur Synthèse : la démocratie libérale et le rôle de la société civile
Je vous propose une synthèse de l’ouvrage d’Alexis de Tocqueville : De la démocratie en Amérique (1840) qui représente la « découverte » de la société civile comme remède libéral à l’égalité des conditions sociales comme phénomène intrinsèque du régime démocratique.
Le phénomène de la passion de l’égalité
Dans la Cité grec, l’Egalité politique de tous les citoyens qui accèdent alors à l’exercice du pouvoir, empêche la tyrannie de quelques uns. Ils sont tous également libre, c’est la réalisation de l’idéal de la Liberté politique dans la Cité. Mais le nombre de citoyens à l’échelle d’une Nation requiert un mécanisme de délégation du pouvoir. L’Egalité se réduit finalement à la passion de l’égalité des conditions sociales.
La Cité antique et le mythe de la Liberté
Au XIXème siècle, A. de Tocqueville a observé la diffusion de l’égalité des conditions sociales dans la démocratie américaine. Elle tend vers l’égalitarisme et la transformation des citoyens en individus uniformes. Ceux-ci deviennent égoïstes et hédonistes. Ils se replient sur leur sphère privée et ils abandonnent la sphère public à une puissance tutélaire qui veille à leur encadrement. Ainsi, l’Etat accroit son pouvoir et sa centralité dans l’organisation de la société pour assurer une dictature douce du conformisme et de l’apathie.
Tocqueville souligne aussi l’impact des représentations et des croyances sur les attitudes politiques à l’égard du pouvoir et de son exercice. Ainsi, l’égalité des conditions conduit les peuples démocratiques à rechercher un pouvoir central intrusif qui favorise l’uniformisation des conditions sociales. La Liberté politique comme exigence à conquérir disparait au profit de l’égalité qui n’offre qu’une foule insipide de petits plaisirs hédonistes et abandonne la Liberté.
Confronté à ce mouvement de l’égalité qui s’impose dans les régimes démocratiques ; la problématique est de préserver la Liberté pour maintenir le caractère démocratique authentique de la société. L’enjeu est d’instaurer une Liberté politique réelle et forte.
La problématique politique
Selon Tocqueville, les phénomènes sociaux sont soumis à un déterminisme limité en partie par la liberté humaine. La causalité à l’œuvre dans la société n’est pas un déterminisme physique.
Par conséquent, la problématique politique face au risque de l’égalitarisme est « que peut faire l’homme pour éviter de tomber dans la servitude de l’égalité démocratique ? »
Pour y répondre, Tocqueville examine le rôle du pouvoir face à l’égalitarisme et de sa distribution dans la société. Plus précisément, la transformation de l’individu en citoyen avec le suffrage universel.
Ce processus légitime le pouvoir central de l’Etat. Mais, il dépouille le citoyen du pouvoir effectif et de sa participation aux affaires de la Cité. Il faut donc une distribution du pouvoir à des acteurs non étatiques pour équilibrer les forces entre le citoyen et l’Etat.
Le remède : la société civile
Tout d’abord au niveau de l’individu, la doctrine rationnelle ou utilitariste de l’égoïsme bien compris est une norme à disposition pour organiser la société qui peut sauver de la tyrannie douce. En effet, rationnellement elle permet d’établir la primauté de l’intérêt de la majorité sur le désir de l’individu. Cette norme qui repose sur un calcul éclairé et raisonnable qu’un individu peut faire afin d’articuler ses intérêts particuliers avec l’intérêt général de la communauté nécessaire à sa survie ; semble offrir une alternative intéressante à la tyrannie des petits plaisirs. Si l’individu est raisonable, il est concerné par la survie de la collectivité qui l’englobe. Il comprend alors le lien de précédence entre l’intérêt général et son intérêt particulier qui peut être limité.
Cependant, le pouvoir central peut lui aussi s’autoriser de la Raison d’Etat et de la sécurité de la Nation pour assurer la violation des droits individuels sur une argumentation rationnelle. Au nom de la paix civile il peut même favoriser un conformisme tyrannique.
Par conséquent, les lumières de la raison étant limitées dans leurs effets, il est nécessaire de déterminer la distribution du pouvoir politique capable d’équilibrer sa concentration au sein de l’Etat à travers un autre type d’acteur. Le citoyen doit accéder au pouvoir à un échelon local via des associations non étatiques.
La participation des citoyens au pouvoir local développe le capital social du groupe et équilibre la tyrannie douce de l’égalitarisme portée par le pouvoir central.
Ainsi, les associations permettent à plusieurs citoyens de regrouper leur parcelle de pouvoir pour donner lieu à des personnes morales qui équilibrent le pouvoir de l’Etat.
Alexis de Tocqueville (1805 – 1859)
C’est au cours de son voyage d’étude en Amérique que Tocqueville découvre cette réalité sociale. Les mœurs américaines jouent un rôle fondamental dans la vigueur de la Liberté et de l’esprit de la démocratie. Donc, la société civile devient la condition suffisante de la valeur positive du projet démocratique.
Aux associations s’ajoute la presse libre qui permet d’informer les citoyens dès lors en mesure d’exercer leur rationalité vigilante sur l’Etat.
Enfin, le pouvoir judiciaire indépendant permet de protéger les intérêts particuliers et les droits individuels.
Pour Tocqueville, la démocratie représente le mouvement naturel de l’histoire des sociétés, le fait marquant à l’origine de l’analyse politique. Mais cette tendance n’est pas une causalité nécessaire vers la diffusion de la liberté individuelle et l’accès au bonheur. Il doit être accompagné d’institutions pertinentes au regard du moteur de la démocratie à l’origine de sa diffusion : l’égalité des conditions sociales.
En Amérique, Tocqueville identifie le mélange d’esprit religieux, de libertés individuelles, d’associations et de la presse libre comme la garantie des droits des citoyens contre les tentations despotiques du pouvoir central et la préservation de la Liberté politique.
Comme société, la démocratie est un ensemble de mœurs qui favorisent la constitution du capital social. Les individus sont des citoyens actifs dans les affaires publiques à travers des associations, des Eglises, des journaux, etc. Ils savent sacrifier une part de leur temps pour se consacrer à la chose public, notamment à travers des personnes morales qui sont autant de limites au pouvoir central.
Finalement, l’initiative individuelle dans le cadre de la survie de la collectivité, le pouvoir local et les associations face au pouvoir central de l’Etat et la liberté de la presse sont les remèdes du libéralisme face à l’égalitarisme, ce sont les caractéristiques de la société civile.
Un petit retour en arrière, la présentation de Tocqueville par Raymond Aron :