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Résumé des Chap. XV et XVI La politique étrangère américaine d’ Hedrick SMITH, 1989, Le jeu du pouvoir dans les coulisses de la Maison Blanche, Belfond
20 juillet, 2018 | Commentaires fermés sur Résumé des Chap. XV et XVI La politique étrangère américaine d’ Hedrick SMITH, 1989, Le jeu du pouvoir dans les coulisses de la Maison Blanche, Belfond
Dans les Chap. XV et XVI de son ouvrage Hedrick Smith examine successivement les deux stratégies du jeu de la politique étrangère : les guerres tribales de la bureaucratie & les coups fourrés et les voies détournées sous les deux mandats du pdt R. Reagan. La permanence de ces modalités de la politique étrangère américaine, même avec un nouveau président disruptif, est très utile pour décrypter l’actualité.
En 1980, Ronald Reagan est élu président des Etats-Unis avec un objectif de politique étrangère de « Peace through strength ». Selon lui, la seule stratégie de politique étrangère face à l’empire soviétique est celle de la paix armée. Ainsi, il lança le programme de développement militaire le plus important en temps de paix de l’ordre de $1 500 milliards sur 5 ans. Selon ses conseillers à la sécurité, si les soviétiques décidaient d’entrée en compétition avec les américains, la pression sur leur économie, la réduction des biens de consommation au détriment de la puissance militaire, les conduirait à la réforme ou à l’effondrement du système. Le pdt Reagan déclarait en 1982 « the soviet empire is faltering because rigid centralized contral has detroyed incentives for innovation, efficiency, and individual achievement. But in the midst of social and economic problems, the soviet dictatorship has forged the largest armed force in the world. It has done so by preempting the human needs of its people and in the end, this course will undermine the foundations of the soviet system »
Cette stratégie fut déployée à travers l’installation de missiles en Europe mais la doctrine de la « mutual assured destruction » était pour le pdt Reagan insuffisante sinon obsolète. Plus précisément, le pdt Reagan était en désaccord avec son aspect immoral, la peur induite par la menace de destruction de millions de civils. Ainsi, en 1983 il proposa la « strategic defense initiative » (IDS) ou « Star wars » de développement d’armes de destruction des missiles balistiques qui donnerait une position hégémonique aux Etats-Unis. Face à cette perspective de nouvelle course aux armes, le premier secrétaire du PCUS M. Gorbachev lança des réformes économiques et politiques, la « Perestroika » et la « Glasnost » qui conduisirent à l’effondrement de l’URSS en 1989 et sa disparition en 1991.
Cette séquence fut le résultat de l’élaboration à la Maison Blanche de la politique étrangère américaine. L’ouvrage de Hedrick Smith analyse les modalités de celle-ci.
Selon la constitution américaine, le décideur primus inter pares en matière de politique étrangère est le président. Il peut définir une stratégie avec son conseiller à la sécurité qui est ensuite chargé de la mettre en pratique en contraignant tous les membres du cabinet concernés. Ce fut notamment le cas du pdt Nixon et de son conseiller H. Kissinger. L’autre possibilité est d’adopter une posture réactive face aux événements de la scène internationale et d’adapter son attitude aux opinions publiques. Il s’agit alors d’inviter les conseillers et les secrétaires au débat afin d’aboutir à un consensus. Cela requiert de la part du pdt une bonne expérience en politique étrangère afin d’éviter d’aller de Charybde en Scylla. L’indécision du pdt encourage les luttes d’influence qui rendent la politique étrangère incohérente voire inefficiente.
Le pdt Reagan a fonctionné selon la seconde approche. Il ne contredisait pas ses conseillers et les membres du cabinet. Il cherchait à favoriser la prise de décision en commun. Cela a encouragé les rivalités tribales entre les conseillers et les secrétaires.
En effet, le principal acteur de la politique étrangère américaine au près du pdt c’est le secrétaire d’état. Mais le pdt et ses conseillers à la sécurité ne veulent pas qu’un seul homme porte cette responsabilité afin de le garder sous contrôle et d’éviter qu’il ne devienne au moins aussi important que le pdt sur le domaine de la sécurité nationale. Le secrétaire d’état tente en permanence de garder le contrôle sur son périmètre, la politique étrangère, en surveillant les incursions des conseillers du pdt et du secrétaire à la défense.
Le secrétaire d’état à quatre moyens pour assurer sa fonction :
- Etre désigné comme l’architecte principal de la politique étrangère par le pdt
- prendre l’initiative et s’emparer du pouvoir à l’aide de la bureaucratie
- vendre directement ses idées au pdt sans répondre aux contre arguments
- construire des coalitions bureaucratiques pour faire pression sur le pdt
Les rivalités tribales
Les confrontations bureaucratiques obéissent aux modalités des guerres tribales. Les conflits entre les institutions sont entretenus par l’orgueil des directeurs, les intérêts des bureaucrates et les jalousies des clans qui protègent leur périmètre et leurs attributs. Ces bureaucraties recours autant à la discussion pour convaincre qu’à la ruse et la manipulation. Les affrontements entre les bureaucraties des départements d’état et de la défense sont les plus structurantes de la politique étrangère américaine.
Dans les bureaucraties, la loyauté institutionnelle est importante car les bureaucrates défendent leur organisation en sapant le travail des autres. Une bureaucratie c’est un territoire, une localité, un bâtiment, ou chacun bureaucrate protège son domaine. Le bureaucrate recherché l’anonymat, l’efficacité et la discretion. Il évite les obstacles, il développe sa competence, favorise la continuité des relations, procède à des changements cumulatifs, sans bouleverser les équilibres.
Le diplomate entretient les relations stables avec les autres pays, il évite les discussions inutiles sur les droits de l’homme et les bases militaires, son périmètre est le cadre restraint de l’intérêt national et la recherche de solutions par concessions réciproques. Ses difficultés proviennent des fonctions et des services trop nombreux qui se chevauchent et des fonctionnaires qui font un même travail en appurtenant à des départements rivaux à l’origine de querelles qui nuisent à l’efficience de l’action.
Souvent, les dissensions des administrations précédentes bloquent la capacité d’action du nouveau pdt dès sa prise de fonction. Ces dissensions sont renforcées par le fonctionnement permanent des bureaucracies. La concurrence institituionnelle où chaque secrétaire devient le représenant de sa bureaucratie dont la juridiction recouvre en partie celle des autres conduit à des ambiguïtés et des rivalités entre le département d’état, le Pentagon et le Conseil National de Sécurité (CNS). Plus précisément, les conseillers flattent la vanité du pdt pour exercer son pouvoir sous la forme d’initiative diplomatique marquante. Le dirigeant politique cherche la publicité de son action, le positionnement dans les affrontements de la sphère publique. Il exploite toutes les opportunités d’être un agent du changement tandis que le secrétaire d’état représente l’intérêt de sa bureaucratie à la stabilité des relations existante, le développement des négociations à travers des rencontres au sommet bien cadrées. Le secrétaire à la Défense cherche lui à accroitre ses capacités, notamment vendre et contrôler des armements. Ainsi, le dirigeant politique se précipite sur chaque crise pour marquer sa présence dans la sphère publique et favoriser sa réputation et son image à l’aide de stratégies de communication qui exploitent les retards, les surprises et les manœuvres.
Le traité Salt II
Signature du traité Salt II en juin 1979
La position du secrétaire à la défense était de ne pas négocier avec l’URSS, ne pas participer à un sommet et annuler le traité puis déployer l’IDS. Sa stratégie fut de défendre sa position en la simplifiant à outrance ce qui réduit l’incertitude de la décision pour le pdt, puis de discréditer la position de l’adversaire, le secrétaire d’état, dépeint comme faible.
Au contraire, la position du secrétaire d’état était de maintenir les traités et de négocier en attendant d’avoir valider la faisabilité de l’IDS. Le secrétaire d’état a tenté de construire un compromis mais il était assigné à une position de faiblesse par le Pentagon.
L’opinion du secrétaire à la défense a prévalue dans les deux bureaucraties, du Pentagon et du département d’état, selon laquelle l’URSS n’avait pas respecter les limites fixés par le traité Salt II.
Finalement, après 6 ans de rivalités bureaucratiques, le pdt Reagan déclara que les forces américaines seraient dimensionnées par rapport à la menace et non selon Salt II. Les guerres tribales ont dissuadés le pdt de débattre des options de politiques étrangères au sein du cabinet et il fut convaincu de déterminer secrètement ses choix avec ses conseillers du CNS pour venir à bout des paralysies internes.
Le côté obscur de l’élaboration de la politique étrangère
Il fut révélé par le scandale de l’Irangate ou comment les secrétaires d’état et à la défense furent tenus à l’écart d’une action majeure de politique étrangère. Le pdt Reagan a utilisé le CNS pour implémenter des opérations secrètes à destination de l’Iran et des Contra du Nicaragua tout en adoptant une attitude contraire dans la sphère publique. Ce fut une posture de défi au Congrès.
Les coups fourrés sont l’autre branche de l’alternative du processus d’élaboration de la politique étrangère. L’antécédent historique est la diplomatie d’Henry Kissinger lorsqu’il était conseiller du pdt Nixon à destination d’Hanoï et de Pékin sans participation du secrétaire d’état Rogers. Ainsi, il organisa secrètement la rencontre du pdt Nixon avec le pdt Mao en 1972 et le rapprochement stratégique de ces deux superpuissances en Asie ; il négocia secrètement le traité Salt I et négocia avec le Duc Tho le désengagement américain du Vietnam.
Le conseiller McFarlane du pdt Reagan fut l’architecte de l’opération avec les iraniens selon la même approche, il s’agit d’ouvrir l’Iran aux intérêts stratégiques américains dans la région.
Le CNS créé par le National Security Act de 1947 peut lancer des initiatives politiques, mais il s’est arrogé la capacité à conduire des actions diplomatiques et militaires de subversion sans supervision du Congrès. Les membres du CNS font partie de l’équipe du pdt qui coordonne les ressources de la sécurité nationale. Ils sont passés d’un rôle de conseiller à celui de décideur.
Ils ont pris apuis sur la confiance du pdt dans les membres du CNS que dans les membres de son cabinet. Pour le pdt, ses conseillers sont des extensions de lui-même alors que les membres du cabinet sont des alliés politiques. Ils sont des courtisans du Roi qui s’opposent au pouvoir des barons du gouvernement. Leurs idées sont proches du point de vue présidentiel et les bureaucracies n’ontpas de prises dessus. Leur rôle est de dire au pdt ce qu’il peut faire à l’aune de gains politiques. La loyauté au pdt est la source de leur pouvoir. Mais cela introduit la politique intérieure, liée à la survie politique du pdt, dans les enjeux stratégiques de la politique étrangère. Ainsi, le poids des conseillers est en proportion inverse de la cohérence de la politique étrangère.
Les conseillers du CNS ont initialement un rôle d’arbitre et de compromis entre les dpts d’état et de la défense. Ce rôle requiert une proximité avec le pdt. L’ensemble de la politique étrangère est piloté par le pdt, ses conseillers ont donc une visibilité globale sur celle-ci. La diplomatie personnelle pratiquée par le pdt a offert l’accès à ses conseillers à la globalité de la politique étrangère. Ainsi le conseiller Bill Clark a favorisé la décision de rupture stratégique du pdt Reagan en 1982 avec l’IDS, l’embargo sur les pièces du gazoduc russe à destination de l’Europe, etc.
Selon Clark et McFarlane, les soviétiques redoutaient une course technologique aux armes stratégiques avec les américains. L’IDS offrait ainsi un levier de négociation pour obtenir de fortes réductions d’ICBM. Le pdt Reagan et ses conseillers présentèrent l’IDS comme un changement radical de posture stratégique en faisant fi de ses conséquences sur l’alliance atlantique. Le problème des bureaucraties de Washington c’est qu’aucune réflexion stratégique par le pouvoir exécutif n’est possible sans qu’une multitude de services et de bureaucrates s’en mêlent et contournent le pdt avant même qu’il ait pu examiner les conséquences des différentes options.
D’où le choix du pdt Reagan accroître le secret qui entoure ses décisions et de placer les autres devant le fait accompli pour surmonte les blocages. Mais c’est une forme de politique de l’ombre qui risque d’aboutir à des impasses comme l’Irangate. Dans le contexte de victoire finale de la Guerre Froide, celui-ci n’a pas conduit à l’impeachment du pdt mais ce fut l’un des dysfonctionnements politiques les plus important juste après le Watergate.