Résumé : La Paix démocratique selon Bruce Russet

7 juillet, 2021 | Commentaires fermés sur Résumé : La Paix démocratique selon Bruce Russet

Je vous propose 2 articles du spécialiste Bruce Russet sur la Paix démocratique afin d’appréhender ce mécanisme important pour le courant libéral des relations internationales

Auteur : Bruce Russett est né en 1935, professeur de politiques internationales, il enseigne à l’Université de Yale. Il s’intéresse particulièrement aux questions concernant la paix notamment sur le plan politique et diplomatique. 

Bruce Russet, 1935

Son thème de recherche est la question récurrente de la paix  dans le contexte d’après Guerre Froide. Le développement des démocraties libérales comme facteur de paix est au cœur des discussions des politistes après l’effondrement de l’URSS. Cet article s’inscrit également dans le contexte de l’intervention des Etats-Unis en Irak en 1991. 

Bruce Russet, « The fact of democratic peace », 1994, (from the Democratic Peace, Princeton University Press, 1993)

Thèse: ​Pour Russet la paix démocratique n’est pas liée aux caractères démocratiques des régimes (élection pluraliste, etc)  mais à la structure et aux normes qui l’accompagnent. la Paix démocratiques est dû à l’environnement juridique du régime politique. Les normes de la société démocratique​. Les sociétés démocraties partagent la même croyance dans le droit et ne voient donc pas d’intérêt à créer un conflit alors qu’une résolution négociée serait possible. Pour garder leur légitimité, les États doivent également convaincre les sociétés civiles ce qui est difficile et prend du temps

Résumé : 

Le système international au début du XXème siècle révèle la capacité à limiter le recours à la guerre entre les démocraties, celles-ci s’efforçant de résoudre les situations conflictuelles par la négociation diplomatique. L’auteur s’interroge alors sur l’existence d’une « paix démocratique » pour aboutir au constat que La coopération pacifique entre Etats n’est possible qu’entre Etats partageant des valeurs communes. L’axiome de départ de B Russet rejoint ainsi l’approche d’E Kant de la « paix perpétuelle », reprise par Wilson lors de son discours de 1917 d’entrée en guerre des Etats Unis et ses 14 points.

Le bilan de la Grande Guerre établit La nécessité de construire un ordre international qui soit un ensemble de démocraties comme condition nécessaire et suffisante de pérennisation de la paix. La politique internationale est alors guidée par l’idéal d’une collaboration inter étatique institutionnalisée par une org int, la SdN. 

La généalogie de cette approche libérale des relations internationales remonte aux impérialismes du XIXème siècle. En 1890 les Etats-Unis interviennent dans le conflit opposant la Grande Bretagne au Venezuela concernant la frontière avec la Guyane anglaise. Avec cette crise un changement s’opère dans les relations entre ces deux puissances anglo-saxonnes. Il y a une prise de conscience des deux nations de valeurs partagées, de sentiments semblables et d’intérêts communs… Une « relation spéciale » avec les Etats-Unis se met en place et les populations sont favorables à la négociation plutôt qu’à l’usage de la force. 

La crise de Fachoda de 1898 était un rapport de force opposant la France et la Grande Bretagne qui aurait pu dégénérer en guerre sous la pression des opinions publiques. Là encore, le partage des valeurs de la démocratie libérale a conduit ces deux pays à s’allier pour équilibre la montée en puissance de l’Allemagne perçue comme un Etat bureaucratique, répressif et autocratique. La crise de Fachoda est aussi un cas qui illustre la capacité de négociation et de compromis de deux régimes libéraux afin de désescalader les différents impérialistes en Afrique.

La puissance de la Grande Bretagne dominante est sous la pression de la croissance de la marine américaine et allemande à l’aube de la seconde Guerre Mondiale qui n’a conduit à une dégradation de ses relations qu’avec l’Allemagne autocratique pas avec la démocratie libérale américaine. Ainsi, les valeurs antagonistes ont joué un rôle de catalyseur des tensions politiques. 

Pour supporter son approche B Russet utilise donc le cas de l’Angleterre impériale à la fin du XIXème siècle pour identifier les facteurs contributifs à la philosophie de la « Paix démocratique » : La capacité des peuples, ou de l’opinion publique, de s’opposer à la guerre et de promouvoir la coopération.

La Guerre Froide neutralise ce facteur car les rapports de forces sont construits en termes d’antagonismes idéologiques de société incompatibles. Les deux superpuissances se voient comme une menace mutuelle et laisse apparaitre une rivalité à la fois politique et militaire. Les alliances redeviennent les faits sociaux déterminant de la scène internationale. En 1970, si le nombre de démocraties au sein du système international augmente, on observe une absence de conflits entre elles. 

L’effondrement du communisme bouleverse les relations internationales engendrant un nouveau modèle impliquant liberté politique et économique et le retour de l’opinion publique comme facteur de la « Paix démocratique ». Les présidents George H.W. Bush et Bill Clinton mettent en avant la notion de « paix démocratique » Les systèmes démocratiques sont organisés et sont pacifiques dans leurs relations avec les autres démocraties. Ils sont moins susceptibles d’utiliser la force et la violence. Enfin, la relation de paix relative entre les démocraties résulte de caractéristiques propres à la démocratie. 

La chute de l’URSS acte la fin d’un monde en conflit idéologique et permet l’élaboration d’un système de valeurs communes à l’ensemble des Etats, et donc, de réduire drastiquement la probabilité de conflits inter étatiques.  De plus, la multiplication des démocraties depuis les années 1970 permet de renforcer la robustesse de cette théorie auparavant véridique mais peu observable. 

En conséquence, trois règles sont alors envisagées : 

–  Les régimes démocratiques fonctionnent avec des restrictions concernant l’usage de la force à l’encontre d’un autre pays démocratique 

–  Les démocraties restent susceptibles d’utiliser la force et la violence envers d’autres régimes autocratiques 

–  La relation de paix relative entre les Etats démocratiques ne relèvent pas uniquement des facteurs économiques et géopolitiques, elle est aussi le résultat de caractéristiques politique de la démocratie : son caractère normatif. 

Cependant, cela ne signifie pas que les démocraties ont abandonné tout recours à la violence comme outil politique. 

L’analyse statistique avancée par Russet est construite sur la définition de la guerre = violence organisée de manière institutionnelle à grande échelle, soit plus de 1 000 morts et la démocratie = territoire comprenant des institutions garantissant les libertés fondamentales depuis au moins trois ans (droit de vote pour les citoyens, un gouvernement légitimé par des d’élections contestées, un exécutif responsable devant une assemblée législative)

Ces définitions exclues des cas de confrontation qui sont encore sujet à débat par les spécialistes. Russet établit la différence entre une guerre et un « accident armé », ie des actions militaires coercitives délibérées de commandants locaux, des actions militaires limitées et des actions secrètes entreprises par les gouvernements. De plus, Russet considère les guerres interétatiques c’est-à-dire entre Etats souverains reconnus en tant que tel sur le plan international. 

L’analyse statistique établit que le phénomène de la guerre entre démocraties est presque impossible à relever. En effet, les démocraties décident généralement d’entamer des négociations. La norme interdisant l’usage de la force entre démocratiesse renforce au fil du temps. 

Bruce Russet, « Why democrayic peace », 1994, (from the Democratic Peace, Princeton University Press, 1993)

Thème : S’appuyant sur la possibilité d’une Paix Perpétuelle selon le philosophe Kant, ce texte issu de l’ouvrage « grasping democratic peace : principle for a post cold war world » parut en 1994, soutient la thèse selon laquelle les démocraties ne se font pas la guerre. Bruce Russet défend une théorie idéaliste en faveur d’une diplomatie ouverte et multilatérale basée sur la coopération entre les Etats

Résumé : 

Dans ce texte, Bruce Russett montre que les occasions où deux démocraties se font la guerre sont extrêmement rares : La première partie est une analyse conceptuelle et la seconde explicite les raisons de cette rareté. 

La paix vient de l’ancrage des États dans des institutions, par exemple l’Union Européenne, créées pour éviter entre ses membres. Le pluralisme présent dans les démocraties permet de créer entre ces régimes et leurs populations un lien. De plus, après 1945 les démocraties se trouvent principalement en Europe de l’Ouest et insérées à l’intérieur d’alliances. Les alliances participent à cet environnement favorable à la paix. La création de l’OTAN rassemble des pays aux intérêts communs et donc peu propice à générer des conflits entre eux. De plus, ce genre d’alliance a souvent un Etat dominant qui cherche à garder les autres membres en position de tutelle et donc garder un environnement sur lequel l’un des participants peu adopter une posture d’arbitre.

L’économie devient également un facteur de plus en plus important. Lorsque celle-ci contribue à des gains significatifs ou incontournables, les Etats vont moins limiter le risque de conflits pour continuer à obtenir ces gains. Au contraire, la guerre a un coût important et participe à une rupture de l’économie avec un interventionnisme d’États important. 

Les coûts et les pertes que représente un compromis seront toujours inférieur à celui de l’usage de la force. Ainsi, la menace militaire représente un argument d’évitement de la guerre plutôt que de casus belli pour les démocraties

Les démocraties sont plus pacifiques car leur régime politique favorise les moyens de résolutions pacifiques des conflits internes. Cette culture politique est partagée par les populations qui exercent une pression sur ses dirigeants pour régler les différents sans recourir à la force. De plus, elles ne veulent pas payer les conséquences de l’usage de la puissance. 

Russet attribue cette culture de la négociation dans les démocraties à la division des pouvoirs et leur équilibre. Les gouvernements doivent obtenir l’accord du parlement et le soutien de l’opinion publique pour conférer une légitimité à leur décision éventuelle de recourir à la force. C’est un processus qui demande du temps et de la rationalité. 

Russet met en avant deux principales explications :

  • Les démocraties disposent d’autres moyens de négociation que le conflit (déclaration prudentielle)
  • Les démocraties ne doivent pas se faire la guerre (déclaration normative)

Ce dernier type de déclaration représente plus une obligation morale que politique, se double d’une observation empirique depuis la fin de la guerre froide et l’effondrement d’un système mondial bipolaire et instable. 

Ainsi, les normes des régimes démocratiques participent au règlement négocié des différends. Plus la démocratie est ancienne et stable plus ces normes sont fortes. Les jeunes démocraties peuvent être dépassé par un sentiment national trop fort. 

Finalement, les démocraties anciennes permettent une transition guidée pour les régimes autoritaires en utilisant notamment les instances internationales comme l’ONU. Ces systèmes internationaux moins permettent l’installation négociée des normes démocratiques dans la société́ civile ce qui contribue au progrès du nombre de démocratie et l’augmentation du poids du phénomène de la paix démocratique.