Chine et Etats-Unis : à soixante ans, la retraite n’est pas en vue !

3 octobre, 2009 | Commentaires fermés sur Chine et Etats-Unis : à soixante ans, la retraite n’est pas en vue !

A l’occasion du 60ième anniversaire de la proclamation de la République chinoise, je vous propose un résumé de la dimension politico stratégique de la relation entre la Chine et les US. C’est en effet le défi de politique étrangère le plus important pour le président Obama. Cette relation US/Chine est actuellement caractérisée par une intensité paradoxale car elle est à la fois économique et militaire. L’intérêt pragmatique des deux parties semble satisfait mais le fossé idéologique semble profond. Avec la crise financière, le créancier chinois prend l’ascendant sur le débiteur américain. Mais l’ambivalence de la stratégie de sécurité chinoise semble incompréhensible aux américains qui oscillent entre fascination et rivalité. Va-t-on vers une confrontation entre les US et la Chine ? Probablement, mais de quelle nature ? C’est la question importante. A la fin de la seconde guerre mondiale, la rivalité entre l’Amérique et l’URSS était probable mais la course aux armements nucléaires était encore incertaine. Est-ce que la prochaine conférence des parties à Copenhague verra s’affronter les US et la Chine, dont les émissions de gaz à effet de serre représente 40%, sur le terrain de l’environnement ? Pour mieux cerner ces enjeux, l’ouvrage de S. Balme et D. Sabbagh nous offre une synthèse très juste de la relation Chine-US.

Chine US

 La politique étrangère de chaque acteur, les US et la Chine, oscille entre 2 extrêmes l’isolationnisme et l’impérialisme qui est propre aux Etats continents. Mais elle présente des signes particuliers provenant des spécificités des projets des dirigeants respectifs où l’économie et la stratégie jouent deux rôles différents. 

 Les US voie la Chine comme une terre de mission étrangère, un marché à conquérir, un régime à faire évoluer vers la démocratie. C’est surtout le potentiel économique qui est visé. Cependant, dans les croyances qui soutiennent la politique étrangère des US, pour atteindre cette cible économique, il est nécessaire d’avoir en Chine un régime politique de démocratie libérale. 

 A l’opposé, la Chine voie les US comme un pôle de puissance à remplacer, un alter ego. Il s’agit de devenir l’égal des US pour mettre fin à la période des humiliations initiées au XIXème. 

 Le fait marquant qui peut modifier ces perceptions c’est l’interdépendance des volumes échangés de biens et d’argents qui augmente significativement depuis 2 décennies. Est-ce que cette relation économique va modifier le rôle de la stratégie politico diplomatique, en accord avec l’interprétation libérale des relations internationales ? 

 Dans la réalité, la fin de la menace soviétique a permis aux enjeux économiques de se développer. Cette évolution est parallèle aux enjeux politico stratégique, elle ne les remplace pas. Cette parallélisassions entraîne des oscillations de la relation US-Chine entre un versant réaliste de la perception des menaces et le développement des échanges économiques dans le cadre d’une approche plus institutionnelle. Mais au contraire de l’interprétation libérale des relations internationales, cette interdépendance n’arrive pas à modifier la perception des menaces, au point qu’elle semble parfois l’accroitre. 

 La dimension politico stratégique 

 Afin d’appréhender la dimension politico stratégique, il est nécessaire de l’inscrire dans une perspective historique afin de cerner les ruptures et d’évaluer la nature de l’enjeu que représente désormais les régions comme Taiwan, ou plus récemment le Tibet et le Xinjiang. 

 1844 – 1949 L’ère du paternalisme 

 Les US, sous couvert d’un discours bienveillant sur le respect de la souveraineté chinoise, sont parties prenantes dans l’exploitation du marché chinois au XIXème siècle. A tel point que le président Wilson sacrifiera la souveraineté chinoise sur le Shandong au profit du Japon afin de s’assurer de la participation de celui-ci à la SDN. Ainsi, la différence des perceptions est abyssale dès le début de la relation sino américaine. 

 1949 – La Guerre Froide 

 De l’antagonisme à l’alliance tacite. 

 Après le choc politique pour les américains que constitua la perte de la Chine nationaliste en 1949. Ce fut le choc militaire de La guerre de Corée est un affrontement local entre les US et la Chine. La conférence de Genève de 1954 est un retour aux limites initiales et à la mise en place d’alliances constituant un encerclement pour contenir l’expansion chinoise. 

 Sous la présidence Kennedy, la menace de la Chine est perçue comme plus dangereuse que celle de l’URSS. Il ne faut pas oublier que le programme nucléaire chinois résulte d’une confrontation entre les US et la Chine sur les iles de Quemoy et Matsu. De même, pour la guerre du Vietnam, elle peut être interprétée comme un affrontement US-Chine par alliés interposés. 

 Cet antagonisme devait céder le pas devant la construction d’une alliance pragmatique. Après la fin de la guerre du Vietnam, le président Nixon et son conseillé Kissinger, ont entrepris le rapprochement avec la Chine de Mao en 1972. Ceci, suite à une réévaluation de la menace soviétique et de l’affaiblissement de la rivalité chinoise. L’URSS devint le rival commun à la Chine et aux US qui ont tacitement mis en place une alliance afin d’ouvrir de nouvelles marges de manœuvres. C’est ainsi que les US fournirent des renseignements militaires sur les forces soviétiques à la frontière avec la Chine. Les US allèrent même jusqu’à collaborer avec les chinois dans l’affrontement entre le Cambodge et le Vietnam ou ce dernier est perçue comme un pion de l’expansionnisme soviétique. Les US et la Chine normalisaient leur relation diplomatique en 1979. Cette coopération militaire continua sont développement jusque sous la présidence Reagan. Les services chinois rendirent service à la CIA en assurant la logistique à destination des moudjahidines afghans dans leur guerre avec les soviétiques. Ce réalisme des politiques étrangères qui reléguaient au second plan les idéologies et les croyances marqua les imaginaires des relations entre les 2 pays. 

 La rupture de Tiananmen 

 Dans ce cadre réaliste, la réaction idéaliste des US à la répression sanglante des manifestations du printemps 1989 déclenche un choc d’incompréhension et d’affrontement entre les 2 pays. Désormais les relations entre les 2 pays sont soumises à la supervision du législateur et aux pressions de l’opinion publique. Les étudiants chinois devinrent alors un prétexte à une rivalité institutionnelle entre la Maison Blanche et le Congrès. L’on vit l’idéalisme du Congrès s’opposer au pragmatisme du président Clinton. Les débats idéologiques ont conduit à l’instrumentalisation des relations commerciales à des fins humanitaires qui furent un échec. Les dirigeants chinois ont gagné leur pari que les milieux d’affaires sauraient affirmer les intérêts économiques au détriment des pressions de démocratisation. 

 L’évolution récente des relations diplomatiques (1989 – 2007) 

 La fin de la guerre froide et le triomphalisme du discours libéral de l’époque ont trouvé dans le choc de Tiananmen un moyen d’édifier la Chine en nouveau rival des US. L’objectif, après l’URSS, étant désormais de démocratiser ce régime pour le rendre compatible avec le développement des relations économiques. 

 La menace chinoise devient un enjeu fédérateur 

 Dépeinte à travers le prisme réaliste, la Chine est une puissance ascendante qui va modifier l’ordre international. Ainsi, le rôle des US dans la région sera diminué au profit de la Chine. Le risque est le déclenchement d’une course aux armements qui réduise encore plus le rôle d’arbitre des US. Cette situation nécessiterai la mise en place d’une organisation régionale de sécurité multilatérale ou les US aurait un rôle réduit, voir absente dans les vœux des dirigeants chinois. Cependant, ce sont plus des raisons de politiques chinoise intérieures qu’extérieures qui explique cette image d’une Chine menaçante. L’accroissement des moyens de l’armée populaire de libération (APL) fut une tactique qui permit au pouvoir politique d’éviter le développement du parasitage des flux financiers civils par les militaires à des fins de corruptions. Ainsi, la complexité de la politique intérieure chinois n’est pas facilement appréhendée par une simple analyse de la puissance avec les catégories réaliste. 

Aujourd’hui, la relation US-Chine est duale, les échanges économiques sont découplés des enjeux de sécurité. Au cœur de ces derniers se trouve Taiwan dont chaque puissance cultive son ambiguïté. Les US accepte le rattachement de l’île à la Chine à condition qu’il soit pacifique et accepter par les deux parties. La Chine se rend acceptable comme elle l’a fait vis-à-vis de Hong Kong. Cependant, un refus serait un camouflet que sa puissance récente lui permettra de punir. Ainsi, le bâton n’est pas loin de la carotte même si la Chine parle doucement… L’ambivalence est ainsi au cœur du savant et complexe équilibre de la relation de sécurité, sous réserve que l’interdépendance économique reste bénéficiaire aux deux pays et ne viennent pas perturber cette ambivalence.